CSTM 

Compte Sur Tes Mains

« Un jour je n’aurais plus ni mes mains, ni ma mémoire, et alors ? »

Le narrateur est d’abord en quête de réalité. Contemporain du lecteur il commence sa recherche dans le travail, il sonde son enfance, il compte sur ses doigts, il observe, il créé, il perd. Mais la route est empruntée et il va devoir la suivre. C’est comme un piège. Le temps s’étire. Entre les trois parties qui composent son livre il se passe cent ans, mille ans peut-être; le poète n’a que des poèmes à rendre, témoignage découpé, bribes écliptiques de son voyage, qu’il a laissés pour être lus, dans l’ordre et sans explication. Qu’attend-il ? Il ne sait qu’une chose. Que le lecteur plonge à sa recherche, il l’appelle, il souhaite être trouvé.

partie 1 : CSTM

I

je suis terre à terre quand je dis
que la lune est un disque

qu’elle a tourné septante-trois fois
depuis mon dernier poème

c’est vrai que depuis mon dernier poème
je n’ai pas cessé
de travailler

II

le jour ne s’est jamais levé
la nuit n’est jamais tombée
ce n’est pas si grave
de comprendre

si tu ne veux pas mourir
ce n’est pas si grave
d’attendre

III

moi
j’embrasse la beauté de mon bras valide
ni pécheur ni innocent
je boite à reculons direction la maison
le jardin

le potager
je cherche mes mains
fidèle au poste et aux points cardinaux
je refuse de me demander
d’où je viens

IV

je ne pense qu’au travail je ne
pense qu’au repos
et quelle va être ma semaine
j’ai jeté beaucoup d’années au sol pour regarder fleurir
ma terre
j’ai bon espoir de m’y étendre un jour

 

V

je fais tout le tour je suis plus léger je suis moins désireux d’en parler
je vois tous les jours du travail à fournir j’ai appris à danser j’apprends
la fuite maintenant je l’aime de plus en plus je suis désireux d’en

parler

VI

la drogue m’a laissée
seule et avec un savoir
quand je suis fatiguée je vois des fantômes ça n’est toujours pas
une métaphore ça n’est pas l’esprit des mots ni des choses
c’est devant moi

un signal pour me dire

c’est le début
et il faut mourir

VII

et 6 je ne veux plus manger
l’air ne pourra plus rentrer
et 6 un silence
est un dernier souffle
et 6 quand je suis en train d’écrire
quand vous me lisez
quand j’aurais bien voulu
6 lances
fusent
lentes

en mon flanc

 

VIII

sur un temps assez long
un espace suffisamment grand
tout coule dans le bois tout est perdu dans le sang
6x4x2
mémoire perdure des visages et appétit des nombres
c’était le long d’un fleuve
que je rentrais dans le ventre

IX

des enfants chanteurs et tout le monde s’accorde
pour dire oui
ils ne font pas semblant
tout ça c’est pour tout le monde

c’est comme avoir faim
ils diront
c’est comme l’aube c’est comme
les insectes
au printemps
la chaleur en été

des enfants chanteront et tout le monde s’accordera pour dire
oui
oui oui et oui
c’est comme les nuages et comme la pluie
c’est comme les chansons mars
et février jamais
personne n’osera mentir

X

on espère que les oiseaux s’en repaîtront
c’est ce qu’on espère c’est ce qu’on se dit
c’est ce que tout le monde se dit
pendant qu’on mêle l’eau au savon
le propre et le sale
c’est ce que tout le monde pense

 

XI

l’eau la lumière et le vent je ne m’ennuie jamais jamais
et je suis seule et seul
j’avais des amis pour le dire
je dors la nuit
j’ai une mère que j’adore
je ne cherche pas les paroles
je dis la vérité
je suis convainquant
je suis nu dans ma douche
je me touche

je ferme les yeux
je me tourne
je me touche

 

XII

me voilà pierre bègue
je ne peux finir mes phrases
ni manquer mon temps
encore un peu et j’appartiens à la pluie
je ne peux pas faire mieux
je sais que c’est terrible
je dirais bien j’en pleure si un cailloux pouvait pleurer
mais je vous dit ce que je sais faire
et vous devrez tous comprendre

écoutez

c’est très important

XIV

gouttes d’eau suspendues aux poussières très très hautes
nuages
moment unique du cycle de l’eau
courrier animé
cumulonimbus ou stratus
miroir du soleil et porteur de présage
moutons
être entier ou partie d’un monstre
vision du dessous ou bien vue du dessus
réponse à la prière
nougat
distraction
homonyme
symptôme

XV

je dévalais les escaliers
en montant
je faisais des choses on me demandait
pourquoi
je ne savais pas répondre
je ne savais pas de quelle manière
de quelle manière d’enfant
plus tard j’ai dit beaucoup de choses
mais je n’ai pas tout dit
j’ai gardé un secret que je ne garde pas seul
j’ai vu par la fenêtre les
branches de l’arbre faire une fortune
terrifiante
c’est vrai je l’ai vraiment vu je l’ai vraiment vécu
j’ai appris plus tard que tout le monde avait menti
j’ai appris comme je continue de croire
c’est moi qui décide
c’est moi qui le dit

XVI

plus tard j’ai eu peur comme dans le noir
sans mur pour me tenir
sans image

je n’ai pas eu le temps de baisser
ma garde
je cours vite
je pars à la ville
je parle en échos
j’ai eu peur
je n’ai encore
connu qu’une chose
voilà

XVII

j’ai appris que l’astrologue avait menti
que le soleil n’était pas où il disait
à ma naissance trois cinq huit et neuf

XVIII

les murs sont couverts de ses souvenirs
c’est facile d’écrire modernement
les bêtes dans le ciel et dans le ciel
les petites répétitions
il faut partager l’espace en 4
l’espace entre vingt rayons
elle y tient comme à sa conscience
peur de nos peurs
bien assez commune pour être aimée comme une

XIX

ce n’est pas ni la nuit ni le jour ni l’heure des loups
personne ne les a décidés
les enfants – les étoiles
aux branches dégarnies ont pris la peine
de monter

autrement dit sauter du lit
autrement dit à la vue de tous
et ce n’est pas dans mes bras qu’ils iront se
réconforter

XX

vapeur
fragrance
moteur inhumain
sortons ensemble
tout n’est pas aussi médiocre que
la joie la fête la viande
mais 6x6x2

 

XXII

à quelle latitude le jour
à quelle altitude la nuit
je suis mourant dans un océan de sen-
teurs
           électriques
           magnétiques
           et quan-
tiques

la couleur brûle et la fleur est pleine de regrets
la neige tombe sur ma voix
de ma voix tombe de la neige
rien n’a voulu changer de sens
2+2 n’égale jamais 2
on ne peut prien interdire
on n’abolit pas la vie


pourvu que l’on m’entende pouvu que je repose

XXIII

tout ce qui vit pèse et me manque
15 ou 16 = 7
pays en guerre sans discernement

qui m’aura fait tendrement
entendre sa voix
celui -là qu’est-ce que ma tombe au regard de sa             

 joie

XXIV

seule comme un nombre
3 fois 3
fait 11
rien de tout ça n’est vrai
le soir fait 8 fois 8
tes mains font 5 et 5
le fossé se creuse
impossible d’avoir
ne demande qu’à voir

2e et 3e parties inclues dans la pubication à venir :

 CLN

 6666LAPOASSIE